Séismes au Maroc

En Septembre 2023
Alain Guillon, membre de la SAGA

 


Figure 1. Carte de ressenti du séisme d’Al Haouz du 08/09/2023, Maroc.
Source : United States Geological Survey (USGS) [1].

Au cours de la nuit du 8 septembre 2023, un séisme de magnitude Mw 6,8 s’est produit à 74 km de Marrakech, au Maroc, à Al Haouz, dans la chaîne de l’Atlas.
Le séisme principal a eu lieu à 22 h 11, à une profondeur de 18,5 km ; puis, à 22 h 30, une réplique de Mw 4,9 s’est produite, à 61 km au nord-est de Taroudant (figure 1). C’est un séisme de magnitude forte, de 6,8 à 6,9, selon l’échelle de magnitude du moment (Mw), qui mesure l’énergie libérée par le séisme.

Cette échelle n’est pas limitée ; contrairement à celle des cyclones, elle est « ouverte ». Le plus gros séisme enregistré a eu lieu à Valdivia, au Chili, en 1960, avec une magnitude de 9,5. Cette énergie, liée au mécanisme de glissement sur la faille, à sa rupture, détermine la taille du séisme. L’échelle de magnitude de Richter, première à avoir été utilisée par les sismologues à partir de 1935, n’est plus employée car imprécise et non adaptée pour mesurer les séismes de forte magnitude.
Les tremblements de terre de cette ampleur dans la région sont rares, mais pas inattendus. Depuis 1900, il y au moins neuf séismes de M 5 ou plus, dont aucun ne dépasse M 6. La plupart de ces événements se sont produits à l’est du tremblement de terre du 8 septembre 2023.
Ce séisme, bien qu’à plus de 70 km de Marrakech, a fait des dégâts jusqu’à la capitale chérifienne (figure 2). À ce jour, le bilan est de près de 3 000 victimes et 6 000 blessés.

 


Figure 2. Carte du ressenti du séisme selon l’échelle
Mercalli. Infographie Le Monde.

Le séisme est dû à de failles obliques inversées à faible profondeur dans la chaîne de montagnes du Haut Atlas marocain, à environ 75 km au sud-est de Marrakech. La rupture s'est produite sur une faille oblique-inverse à fort pendage, orientée vers le nord-ouest, ou sur une faille oblique-inverse à faible pendage, orientée vers l'est. Les montagnes du Haut Atlas contiennent une quantité de failles de décrochement et de chevauchement cartographiées, orientées est-ouest et nord-est/sud-ouest. Ce séisme s'est produit dans la plaque africaine (figure 3), à environ 550 km au sud de la limite entre les plaques Afrique et Eurasie. À l'endroit de ce séisme, la plaque africaine se déplace d'environ 24 mm/an vers le nord/nord-est par rapport à la plaque eurasienne.
Les Nations Unies ont déclenché la Charte Internationale « Espace et catastrophes majeures ». Les satellites optiques et radar de huit agences spatiales - dont les satellites français Pléiades - ont été alors mobilisés pour cartographier la zone sinistrée sur 300 km de large et 300 km de long.

Cette région correspond à la partie la plus haute de la chaîne de l'Atlas, le Haut Atlas occidental. Appelée le « toit du Maroc », elle a pour point culminant le mont Toubkal (4 167 m), plus haut sommet d'Afrique du Nord. « C'est une chaîne de montagnes très allongée qui s'étire d'est en ouest, bordée de part et d'autre de failles de chevauchement, également appelées failles de compression ou failles inversées », explique Lionel Siame, chercheur à l’Université Aix-Marseille. Il faut remonter à 300 millions d’années, au moment où le supercontinent de la Pangée s’est assemblé. La faille s’est alors activée puis, de nouveau, lorsque la Pangée s’est fragmentée en plusieurs continents. Et, encore une fois, à l’occasion de la naissance des montagnes du Haut Atlas.

Cette chaîne de montagnes est un ancien bassin côtier du Rif qui s'est ouvert avant le Jurassique, il y a environ 200 Ma. Des sédiments s’y sont accumulés, puis la région s'est peu à peu raccourcie à mesure que la plaque Afrique remontait vers le nord. « Cette région du Haut Atlas se raccourcit d'un millimètre par an, dix fois moins que la pousse d'un ongle, souligne Jean-François Ritz, chercheur au laboratoire de Géosciences de l’Université de Montpellier. La faille est comprimée comme un ressort mais, au bout d'un moment, le ressort relâche l'équivalent de ce qu'il a accumulé comme compression. Ce n’est pas fréquent, mais inéluctable » [2]. Les failles sur lesquelles ces contraintes s'accumulent finissent donc par glisser, se chevauchent, entraînant une accélération rapide du sol qui provoque des dégâts.
« On connaît aujourd'hui une situation semblable à celle qui s'est produite, en 1960, avec le séisme d’Agadir, analyse Lionel Siame. À l'époque, cela a eu lieu sur le versant sud de la chaîne, la faille s’étendant dans la plaine de Souss jusqu’à la ville de Taroudant. On connaît aujourd'hui un événement miroir, avec le relâchement symétrique d’une faille de l'autre côté, sur le versant nord de la chaîne. La position de ce séisme n'est donc pas une surprise, mais la survenue du déclenchement l’est » [2].

Des observations satellitaires suggèrent qu’une faille inactive s’est réactivée. Il s’agirait d’une ancienne faille connue sous le nom de faille de Tizi n’Test [3].
En revanche, la faille de Tizi n’Test n’a pas été active au cours de l’histoire récente. Sur la représentation 3D satellitaire des déplacements tectoniques, il n’y a pas de trace distincte, indiquant que le sol ne s’est pas fracturé jusqu’à la surface, provoquant un séisme « aveugle ».
Cette zone n'est pas habituée à subir des tremblements de terre si puissants. Il faut savoir qu'au Maroc la grande majorité des séismes se sont produits plutôt à 500 km au nord de cette zone, à l'interface entre les plaques africaine et européenne (figure 3).


Figure 3. Carte USGS des limites de plaques tectoniques, montrant que les zones les plus actives sont
nettement plus au nord que le séisme (rond rouge) d’Al Haouz du 8 septembre 2023.


Donc, c'est effectivement une surprise d'avoir un aussi gros séisme dans cette région. En revanche, il faut se souvenir que, dans cette zone (à 100 km plus à l'ouest), il y a eu le séisme d'Agadir, de magnitude 6, en 1960. Il avait tout de même fait 12 000 morts et quasiment détruit toute la ville.

C'est ce qu'on appelle typiquement un séisme intraplaque, contrairement, par exemple, aux récents séismes en Turquie, à l'interface entre les plaques anatolienne et arabique (voir article SAGA Information n° 394, p. 14-19). Souvent les magnitudes sont plus faibles lors des séismes intraplaques. Donc, avec ce séisme de septembre, c’est l’une des plus grandes magnitudes qu'on connaisse pour des séismes intra-plaques.


Les effets sur différentes régions autour de l'épicentre du séisme

Les dégâts provoqués par la secousse dépendent de la profondeur à laquelle s’est produit le décrochement de la faille. Plus la distance que l’onde doit parcourir pour rejoindre la surface est longue, plus l'atténuation est efficace. Le séisme d’Al Haouz, près d’Oukaïmden, s’est produit à une profondeur de 15 à 20 km, ce qui explique que les effets se sont propagés sur une zone très étendue (figures 4 à 6). « À cette profondeur, cela génère une accélération du sol conséquente. Combinée avec des habitations faiblement consolidées, cela conduit à des dégâts très importants ». Les constructions les plus récentes répondant à des normes antisismiques et les constructions les plus anciennes semblent avoir mieux résisté que les immeubles faits de pierres et de maçonnerie en ciment, pour lesquels tous les joints ont joué, se sont écartés. Avec des conséquences catastrophiques dans une région de petits villages et de nomadisme, aujourd’hui isolés par des glissements de montagne. Dans ce contexte, les images satellitaires fournies par les agences spatiales ont un rôle essentiel pour acheminer les secours.


Figure 4. Dégâts sur la ville de Moulay Brahim, dans la province d’Al-Haouz, le 9 septembre,
au lendemain du tremblement de terre qui a secoué le Maroc. © Fadel Senna / AFP.
Figure 5. Une rue de Marrakech détruite lors du séisme, dans la nuit du vendredi 8 au samedi 9 septembre.
© AFP - Said Echarif / Anadolu Agency.

Figure 6. Restaurée récemment (photo de gauche), la kasbah d’Agadir Oufella, était sur le point d’ouvrir
ses portes aux visiteurs. Elle a également subi des dégâts (photo de droite).
Sources : https://fr.le360.ma/culture/une-restauration-minutieuse-la-kasbah-dagadir-oufella-retrouve-son-eclat- dantan_PTHW7BQ5HZDYTA43XECQLOEYBE/, pour la photo de gauche.
https://www.yabiladi.com/articles/details/142482/seisme-maroc-kasbah-d-agadir-oufella.html, pour la photo de droite.

Sources

[1] https://earthquake.usgs.gov/earthquakes/eventpage/us7000kufc/executive
[2] https://www.sciencesetavenir.fr/fondamental/geologie/maroc-quels-sont-les-mecanismes-geologiques-derriere-le-seisme-d-oukaimden_173777
[3] https://www.geo.fr/environnement/seisme-au-maroc-donnees-satellitaires-levent-voile-sur-faille-inactive-tizi-n-test-origines-desastre-216633
[4] https://www.lefigaro.fr/sciences/pour-les-sismologues-le-seisme-au-maroc-de-la-nuit-dernieree-en-est-pas-une-surprise-20230909.

 

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